Si “Arsenal” est un film moins connu du grand public que les grands classiques du cinéma russe (“Potemkine”, “L’homme à la caméra”, “La grève”…) il n’en reste pas moins une œuvre majeure de l’histoire du cinéma, à (re)découvrir absolument.
Ce film éminemment politique où l’image devient l’idée, fait de l’Histoire une réalité sensible presque palpable. Mais au-delà de son importance historique, “Arsenal” est surtout un film envoûtant…
Tout à la fois lyrique, drôle, pathétique, il subjugue par son esthétisme et frappe par sa modernité.
Comme l’écrivaient, dans une critique enthousiaste, un groupe d’ouvriers moscovites à la sortie du film en 1929, “Arsenal n’est pas une histoire, c’est un poème”. Dovjenko est unanimement reconnu par ses pairs et par les cinéphiles : Eisenstein et Poudovkine voyaient en lui “la révélation d’une nouvelle force”.
Scorsese classe “Arsenal” parmi les 40 films de l’histoire du cinéma “à voir absolument”… Pour Deleuze, “si un auteur a su faire qu’un ensemble et des parties plongent dans un tout qui leur donne une profondeur et une extension sans commune mesure avec leurs limites propres, c’est Dovjenko beaucoup plus qu’Eisenstein”.
L’Histoire
1918, la guerre des tranchées, irréelle d’horreur, la misère dans les campagnes. Timosch, revenu du front avec d’autres déserteurs, incite les ouvriers de l’Arsenal à prendre les armes pour défendre, contre le nationalisme ukrainien, la Révolution. Une insurrection sauvagement réprimée. Mais Timosh, criblé de balles par les cosaques, demeure debout dans son invincibilité.
La Musique
Cette composition de Pierre Badaroux, qui propose un dispositif similaire à celui de Finis Terrae, nous offre un univers acoustique original, où guitare acoustique, violoncelle, contrebasse et traitement sonores forment un quatuor à corde revisité. Elle se construit en strate autour d’écritures thématiques, d’improvisations et d’un univers sonore acousmatique bâti sur le traitement de la table d’harmonie d’un piano préparé, souvenir de vieux muets accompagnés, et/ou le jeu en direct d’un cymbalum, jusqu’à la reprise en direct des trois instruments «traditionnels». Toujours mélodiques, les compositions croisent tour à tour le jazz contemporain et les musiques improvisées, avec des accents de musique concrète, répétitive, ou de chambre… Dans ce concert-spectacle, la musique est comme un nouvel espace de la narration filmique. L’accompagnant ou s’en affranchissant, elle est un contrepoint qui rend aux images toute leur merveilleuse dimension esthétique.